Petite Ceinture et service de Ceinture : du bus PC au tramway T3

, par Bruno Bretelle

Si notre Association a pour objet l’infrastructure ferroviaire qu’est la Petite Ceinture, elle ne peut se désintéresser du service de Ceinture que cette ligne a cristallisé. Ne parlons que pour mémoire du service de marchandises qui de nos jours est assuré par camions sur le Boulevard Périphérique et dont le retour en très petites doses au mode ferroviaire est souvent évoqué sans aucune concrétisation.

On sait que le service voyageurs de la Petite Ceinture a cessé le 22 juillet 1934. L’autobus de la S.T.C.R.P. (l’ancêtre de la RATP pour les bus), qui a repris ce service, a d’abord effectué ce qu’on appelle un service de substitution. Mais, comme l’a exposé Arnaud Passalacqua dans sa récente conférence, le changement de mode, le passage du chemin de fer à l’autobus, a modifié la nature des déplacements et du public transporté. Et très vite, l’autobus PC a assuré du trafic local, en multipliant le nombre de ses arrêts et en suivant l’itinéraire des boulevards des Maréchaux, ce qui l’éloignait en plusieurs endroits de l’itinéraire de la Petite Ceinture.

Le 15 décembre dernier (2012), le prolongement du tramway T3 sous la forme de deux lignes se faisant suite T3a et T3b a consacré le retour du mode ferroviaire pour la majeure partie du service de Ceinture :

  • T3a du Pont du Garigliano à la Porte de Vincennes ;
  • T3b de la Porte de Vincennes à la Porte de la Chapelle (et dans quelques années à la Porte d’Asnières) ;
  • RER C de la Porte de Clichy à Avenue Henri Martin ;
  • La section restante, Porte de la Chapelle - Pont du Garigliano, est assurée par le bus PC, qui de plus double le RER C.

Ici encore, le changement de mode s’accompagne d’une évolution de la desserte :

  • Premièrement, le site propre et l’action sur les feux de signalisation fluidifient la circulation des tramways (avantage amorcé par les couloirs en dur pour le bus PC des années Quatre-Vingt-Dix) ;
  • Deuxièmement, la construction de véritables stations s’accompagne de la réduction du nombre de points d’arrêt. On est donc là dans un mode qui se rapproche de celui du métro. On roule plus vite, mais il faut marcher un peu plus pour atteindre la station.
Sur l’itinéraire Porte d’Ivry - Porte de la Villette :

  • PC2 : 30 arrêts,
  • T3a + T3b : 21 arrêts



En pourcentage, on peut dire qu’en passant du bus au tram, le nombre d’arrêts a diminué de 30% ou si l’on préfère, que le bus desservait 42% d’arrêts en plus.

Cela dit, plusieurs facteurs peuvent limiter les performances du tramway T3 :

  1. La durée des arrêts aux stations : on ne peut faire mieux que des quais à niveau et des portes qui s’ouvrent largement et rapidement. Naturellement, en cas d’affluence, la situation se dégrade vite.
  2. Les arrêts aux feux : la priorité aux trams n’est pas telle qu’il puisse toujours les franchir sans ralentir (contrairement à la pratique d’autres pays) ou même s’arrêter ; or, il y a des feux à toutes les intersections, y compris aux traversées piétons hors carrefour. Et la voie libre ne vient pas toujours aussi rapidement qu’on voudrait.
La ligne de tramway T3b sur le boulevard MacDonald, en direction de la rue de la Clôture
De tels virages serrés sur la ligne T3b limitent la vitesse commerciale. Cliché : Bernard Chatreau Tous droits réservés.
  1. Le tracé : les virages trop serrés sont extrêmement péjorants ; la vitesse-limite y tombe à 20, voire 15 km/h. Le T3 sur les Maréchaux a un parcours en général rectiligne. sauf sur le T3b entre la Porte des Lilas et la Porte d’Aubervilliers, section extrêmement sinueuse : 11 virages à angle droit, plus d’autres courbes. Les détours vers Pantin, puis le long du canal Saint-Denis et vers Rosa Parks coûtent cher en temps.
  2. L’obligation de changer de tram à la Porte de Vincennes : cette idée de la RATP, destinée à faciliter l’exploitation, semble venir de personnes qui n’utilisent pas les transports publics. Bien sûr, il vaut mieux améliorer la régularité et c’est plus difficile sur des lignes longues. Mais couper une ligne en deux n’est certainement pas le meilleur choix. A une époque où les régulateurs sont en communication constante avec les machinistes et peuvent agir sur les feux, on peut faire autrement.
La station terminus du tramway T3a à la porte de Vincennes
Les rames de tramway s’arrêtent sous le pont de la Petite Ceinture. La station de la ligne T3b, située de l’autre côté du boulevard, présente la même configuration. Cliché : Bernard Chatreau Tous droits réservés.

En définitive, le temps de parcours réel du Pont du Garigliano à la Porte de la Chapelle relevé vers 15-16 h en semaine dans une situation dépourvue de perturbations est de 1h20mn, auquel s’ajoute le temps de correspondance à la Porte de Vincennes entre T3a et T3b, d’environ 5 à 8 minutes. Cette durée est à comparer au temps de 50mn mis par les trains vapeur de la Petite Ceinture sur le même arc en 1900, évidemment avec moins d’arrêts. Avec les qualités d’accélération et de freinage d’un matériel électrique moderne, on pourrait aujourd’hui descendre à 30mn sur une ligne reconstruite.

Nul doute qu’aux déplacements locaux, auparavant assurés par le bus PC, vont s’ajouter des déplacements plus nombreux et plus longs, qui mèneront la ligne à des points de saturation sur certaines sections (déjà au Sud, entre Porte de Vanves et Cité Universitaire ; à l’Est, entre Porte de Vincennes et Porte de Bagnolet ; et dans l’avenir au Nord entre Porte de Clignancourt et Porte de Saint-Ouen). Cependant, les qualités du T3 ne suffiront pas à en faire un moyen de transport assurant convenablement tous les types de déplacement.

La reprise d’un service ferroviaire sur l’itinéraire parallèle de la Petite Ceinture permettrait la répartition spontanée des voyageurs, selon leurs besoins de transport, entre le tramway T3 et la ligne circulaire rapide que devrait redevenir la Petite Ceinture. Ces deux types d’exploitation complémentaires, tous deux héritiers du service de Ceinture, ne peuvent qu’être saturés par leur succès.

Encore faut-il qu’ils existent. Pour le T3, c’est fait en grande partie. Pour la Petite Ceinture, tout reste à faire. [1]

Le terminus de la ligne de tramway T3b à la Porte de la Chapelle
Un environnement très ferroviaire : au fond, le pont des voies de la gare du Nord et à gauche, la Petite Ceinture ferroviaire. Cliché : Bernard Chatreau Tous droits réservés.
Tramway T3b et Petite Ceinture ferroviaire à proximité de la station Rosa Parks
Les deux lignes sont parallèles, ce qui faciliterait les correspondances entre elles : à gauche, le poste d’aiguillage de la Petite Ceinture. Cliché : Bernard Chatreau Tous droits réservés.
La ligne de tramway T3a au droit de l’ancienne gare d’Orléans-Ceinture
La Petite Ceinture ferroviaire et la ligne de tramway T3a sont côte-à-côte, facilitant les correspondances entre les deux lignes. Cliché : Bernard Chatreau Tous droits réservés.

Notes

[1Ajoutons que le service rendu par un tramway n’est pas le même aujourd’hui que dans les années Trente, lorsque les lignes de tramway parisiennes furent remplacées par des lignes de bus. Par conséquent, il est erroné de vouloir comparer la situation actuelle à celle qui régnait lors du remplacement du service ferroviaire de la Petite Ceinture par un service de bus. À l’époque, la capacité offerte par une rame de tramway de l’époque était proche d’un bus articulé d’aujourd’hui. Mais surtout, la règlementation du tramway limitait la vitesse maximale à 30 km/h hors carrefours et 20 km/h aux carrefours. La vitesse commerciale tombait fréquemment à 12 km/h, voire moins encore (source : « Remplacement par un service d’omnibus automobiles du service voyageurs du Chemin de fer de la Petite Ceinture de Paris », causerie faite par M. Barthélemy, Directeur à la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, à la séance du Groupe des X (Polytechniciens) Cheminots tenue le 25 octobre 1934 à la Maison des X. Centre des Archives du Monde du Travail, série 75 AQ 61).