Brève histoire de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris

, par Bruno Bretelle

 Naissance pendant le Second Empire (1852-1869)

Durant la première moitié du XIXe siècle, le réseau ferroviaire français est construit en étoile autour de Paris, capitale politique du pays, afin de la relier directement aux autres grandes villes. Mais en 1850, une ligne circulaire fait toujours défaut pour interconnecter tous ces rayons et permettre de développer le transport national de marchandises par rail. Fin 1851, quelques jours seulement après le coup d’État qui va donner naissance au Second Empire de Napoléon III, le gouvernement décide d’y remédier par la construction au Nord et à l’Est de Paris de la Petite Ceinture Rive Droite. Cette ligne traverse des territoires annexés à Paris en 1860 et longe la dernière enceinte fortifiée de la Ville.

Carte de la Petite Ceinture et de ses gares voyageurs en 1921
Carte extraite du guide : Paris en 8 jours, édition de 1921.

Elle est mise en service progressivement de 1852 à 1854. Son exploitation est confiée à un Syndicat, le Chemin de fer de Ceinture de Paris, qui associe les compagnies privées de chemin de fer possédant une gare terminus à Paris. Rapidement des gares locales de marchandises et des embranchements, comme celui des abattoirs de la Villette, sont mis en service le long de la ligne afin d’améliorer l’approvisionnement de Paris.

Un train de marchandises traverse la station Ménilmontant dans les années 1900
Au fond, le tunnel qui démarre rue de Ménilmontant et passe sous la rue Sorbier. Photographie prise vers 1902.

 1854-1862 : apparition du service urbain de voyageurs

Suite à la décision de construire la Petite Ceinture Rive Droite, le tracé d’une ligne de ceinture, destinée au transport de marchandises et située à l’Ouest de Paris, est abandonné. Profitant de ce désintérêt, la Compagnie de l’Ouest met en service en 1854 une ligne dédiée au transport de voyageurs entre la gare Saint-Lazare et la Porte d’Auteuil : la ligne d’Auteuil.

Cette ligne dessert le Bois de Boulogne et des quartiers résidentiels en cours d’aménagement. En 1860, l’intégration à Paris des territoires qu’elle traverse fait de la ligne d’Auteuil la première ligne de chemin de fer urbaine entièrement parisienne. Elle est rejointe le 14 juillet 1862, jour de la fête nationale, par la Petite Ceinture Rive Droite, où les trains de voyageurs sont mis en service à la demande des autorités politiques.

 1867-1903 : croissance du service de voyageurs grâce aux Expositions Universelles

la gare du Champs de Mars durant l’Exposition Universelle de 1900

De 1867 à 1900, les services de voyageurs de la ligne d’Auteuil et de la Petite Ceinture se développent au rythme des Expositions Universelles organisées à Paris tous les 11 ans : 1867, 1878, 1889 et 1900. Pour chaque exposition, de nouvelles stations sont créées et le nombre de trains est augmenté, transformant progressivement les trains parcourant la Petite Ceinture et la ligne d’Auteuil en de véritables transports en commun populaires.

Pour l’Exposition Universelle de 1867, la Petite Ceinture Rive Droite et la ligne d’Auteuil sont reliées par une ligne passant dans les quartiers Sud de Paris : la Petite Ceinture Rive Gauche. La mise en service de la Petite Ceinture Rive Gauche permet la circulation des premiers trains circulaires entre la gare Saint-Lazare et la station de l’Avenue de Clichy. Ces trains effectuent le tour de Paris en empruntant la ligne d’Auteuil, la Petite Ceinture Rive Gauche et la Petite Ceinture Rive Droite. Sur la ligne d’Auteuil, ils cohabitent avec les trains de voyageurs propres à cette ligne. Un embranchement, construit le long de la Seine à partir de la Petite Ceinture Rive Gauche, permet de desservir l’Exposition organisée sur le Champs de Mars. En 1869, quelques mois avant la fin du Second Empire, un nouveau tronçon de la Petite Ceinture, compris entre la station de l’Avenue de Clichy et la ligne d’Auteuil, près de la station de Courcelles-Levallois, ferme la boucle et permet aux trains d’effectuer le tour complet de Paris.
Pour l’Exposition Universelle de 1878, de nouvelles stations sont construites, le nombre de trains est augmenté et l’embranchement desservant le Champs de Mars devient permanent.
Pour l’Exposition Universelle de 1889, marquée par l’inauguration de la Tour Eiffel, les derniers passages à niveau de la Petite Ceinture Rive Droite sont supprimés tout en maintenant la circulation des trains. À cette occasion, de nombreux ouvrages d’art sont construits, des stations sont reconstruites et le nombre de trains est augmenté.

Enfin, l’Exposition Universelle de 1900 marque l’apogée du service urbain de voyageurs de la Petite Ceinture : 39 millions de voyageurs l’empruntent, soit en moyenne plus de 100 000 par jour. Jusqu’à 12 trains circulent par heure et par sens pendant les heures de pointe, à des intervalles de temps compris entre 5 et 10 minutes. Hors exposition, le service des trains circulaires compte jusqu’à 8 trains à l’heure et par sens, limite imposée par l’emprunt de la ligne d’Auteuil qui possède son propre trafic.

Le tour complet de Paris dessert alors 29 stations : 6 sur la ligne d’Auteuil et 23 sur la Petite Ceinture. Les temps de parcours sont de 1h30mn et de 1h21mn. En 1903, le temps de parcours est abaissé aux heures creuses à 1h10mn, soit une vitesse commerciale de 27 km/h, équivalente à celle d’une ligne de métro actuelle.

 1867-1895 : débat sur le projet de chemin de fer métropolitain

Vue des quais de la station Point-du-Jour vers la Seine
Vue aérienne de la station en direction de la Seine. Au premier plan, le carrefour du boulevard Exelmans et de l’avenue de Versailles. Au loin, les collines du 15e arrondissement.

Depuis la mise en service en 1867 de la Petite Ceinture Rive Gauche et de la première station aérienne à Paris - la station du Point du Jour - le service des trains circulaires de la Petite Ceinture est considéré comme la première étape de la construction d’un réseau de chemin de fer métropolitain.

Les compagnies associées pour exploiter la Petite Ceinture développent le service des voyageurs en espérant se voir attribuer la concession de l’exploitation du futur Métro. Mais la Ville de Paris s’oppose à leurs projets parce qu’elle souhaite développer un service purement local, alors que la Petite Ceinture, de par ses correspondances avec les lignes de banlieue de chemins de fer, joue un rôle régional. Par ailleurs, elle souhaite garder le contrôle du futur Métro dont les lignes vont emprunter la voirie qui appartient au domaine communal.

Finalement en 1895, au bout d’une trentaine d’années de débats infructueux et à l’approche de l’Exposition Universelle de 1900, le gouvernement cède à la Ville de Paris le soin de construire le Métro et d’en choisir le mode d’exploitation. La première ligne du Métro est mise en service en 1900. Dès lors, les habitants de Paris et de sa banlieue disposent de deux services métropolitains : celui des trains circulaires de la Petite Ceinture et celui du Métro municipal.

 1903-1934 : déclin du service des trains circulaires de voyageurs

Au début du XXe siècle, les différents modes de transports, exploités par des compagnies distinctes dont les tarifs ne sont pas coordonnés, se livrent une forte concurrence. Le service urbain de voyageurs de la Petite Ceinture subit en particulier une vive concurrence de la part du Métro municipal et des nouvelles lignes de tramway électrique. Face à cette concurrence, ce service est réorganisé, les tarifs sont révisés et la vitesse commerciale des trains est augmentée. Mais ces mesures n’empêchent pas la chute brutale du nombre de voyageurs en l’espace d’une décennie. La modernité du Métro, dont les murs des stations souterraines sont recouverts de carreaux de faïence blanche et dont le service est assuré par des automotrices électriques, contraste avec le caractère ancien, hérité du XIXe siècle, des stations et des trains de la Petite Ceinture.

La concurrence externe n’est pas la seule raison du déclin du service urbain de voyageurs. Il existe également une concurrence interne entre le transport de voyageurs et celui des marchandises, bien plus rentable pour les compagnies privées qui exploitent la Petite Ceinture. La présence d’un important trafic de marchandises empêche d’intensifier le service urbain de voyageurs, notamment au moyen de la traction électrique étudiée au lendemain de l’Exposition Universelle de 1900.

Finalement, dans la nuit du 22 au 23 juillet 1934, après plus de 70 ans d’existence, le service urbain de voyageurs de la Petite Ceinture est transféré sur la route, devenant la ligne de bus P.C. dont le nom reprend les initiales de la Petite Ceinture. À l’Ouest, la ligne d’Auteuil, électrifiée dans les années 1920, connaît un service de voyageurs jusqu’en 1985, puis une partie de son parcours est reprise par la ligne C du RER.

 Après 1934 : poursuite de l’activité ferroviaire

Malgré la disparition du service urbain de voyageurs en 1934, l’histoire ferroviaire de la Petite Ceinture continue jusqu’à aujourd’hui.

 Trains de marchandises

Le service de marchandises continue de prospérer jusque dans les années 1970 avant d’entamer un long déclin qui se termine en 1993. Le trafic comporte des échanges entre les gares aux marchandises des lignes radiales parisiennes (Batignolles, La Chapelle-Charbons, La Villette, Bel-Air, Bercy, Ivry et Grenelle-Marchandises) et les gares locales de la Petite Ceinture (Belleville-Villette, Paris-Bestiaux, Charonne, Gobelins, La Glacière-Gentilly et Vaugirard).

La vitesse maximum est de 60 km/h. La composition maximum admise pour les trains est de 40 wagons, ce qui correspond à un tonnage de 800 t environ. L’ensemble du service de la Petite Ceinture représente en 1948 une moyenne de 105 trains par jour.

Le train sort de la gare des Gobelins. Didier Duforest Tous droits réservés.

 Trains des souverains

De 1900 à la fin des années 1950, la station de l’Avenue du Bois de Boulogne (aujourd’hui Avenue Foch) accueille des souverains et chefs d’état étrangers en visite à Paris. L’une des plus marquantes de ces visites est celle du couple royal britannique en juillet 1938. Cette station y gagne le surnom de « gare des Souverains ».

 Trains de jonction

Jusqu’à la fin des années 1980, la Petite Ceinture est parcourue par de grands trains européens de voyageurs circulant entre la gare du Nord et la gare de Lyon. Le plus prestigieux de ces trains est le Train Bleu (liaison Calais-Nice), qui inspire à Agatha Christie un roman où le crime est commis pendant le parcours de la Petite Ceinture.

 Trains de découverte

De 1965 à novembre 2003, la Petite Ceinture connaît une activité de trains touristiques organisés par des associations partenaires de la SNCF ou de RFF. Notre Association organise plusieurs trains entre 1999 et 2003.

 Trains divers

En 1996, un tronçon situé près de la porte d’Italie, dans le du 13e arrondissement, accueille une rame de la future ligne de métro automatique 14 pour les essais de mises au moins des automatismes de conduite.

Enfin, un train composé de plusieurs voitures circule le 18 janvier 2012 dans les 15e, 14e et 13e arrondissements.