Les histoires de quais ne datent pas d’hier

, par Bruno Bretelle

La modification des dimensions des quais des gares de voyageurs n’est pas un sujet de discussion récent. Déjà au XIXe siècle, cette question était à l’ordre du jour, notamment sur la Petite Ceinture.

La hauteur initiale des quais des gares de la ligne est de 0,3 m ou de 0,5 m au-dessus du rail. En 1899, à l’approche de l’Exposition Universelle de 1900, cette hauteur est relevée à 0,88 m au-dessus du rail, hauteur recommandée « pour les nouvelles lignes de chemin de fer par MM. les Ingénieurs du Contrôle des lignes dans Paris » [1], afin de faciliter le mouvement des voyageurs entre les quais et les voitures des trains.

Ces travaux d’exhaussement et leurs conséquence, ainsi que des considérations plus générales sur les moyens d’améliorer le confort des voyageurs dans les gares de la Petite Ceinture, sont traités dans l’article qui suit, publié dans l’édition du 21 août 1899 du quotidien « Le Petit Journal ». [2]

Notons, en complément de cet article, que cette opération d’exhaussement des quais entraîna un changement du matériel employé dans les trains de la Petite Ceinture, puisque les voitures à impériale fermée et plancher surbaissée furent remplacées par des voitures ordinaires comportant un plancher plus haut et une largeur de caisse plus importante.

Planche présentant les voitures à deux étages du chemin de fer de Ceinture, datant de 1868.
Extrait de la revue Le Portefeuille des Machines et du Matériel. Document en ligne sur le site de la Bibliothèque Nationale de France.
Diagrammes des voitures ordinaires de seconde classe de la Petite Ceinture
Ces diagrammes sont issus de l’article de Louis Salomon paru dans la Revue Générale des Chemins de fer en juillet 1896.

Encore aujourd’hui, la hauteur initiale des quais est repérable grâce à la ligne que forme la bordure en pierre des anciens quais bas.

Vue des quais de la gare de l’avenue de Saint-Ouen sur la Petite Ceinture
Au fond, le tunnel en direction de la porte de Clignancourt. Sur la gauche, la colonnade de fonte qui soutient la rue Leibnitz. Cliché : D.R.

Dans les gares de la Ceinture

« II y a quelque temps nous avons signalé les travaux entrepris dans les gares du Chemin de fer de Ceinture par ordre du Ministre des Travaux Publics. La Compagnie avait été mise en demeure d’exhausser les quais d’arrivée et de départ de façon que les voyageurs puissent monter et descendre de plain-pied. Ce travail est achevé dans un certain nombre de gares déjà.

Dans les gares qui ne sont pas à cheval sur les voies, le transport des bagages d’un quai à l’autre est devenu extrêmement difficile et la cause de nombreux retards pour les voyageurs. La tranchée ayant au moins un mètre de profondeur, il est impossible aux employés de traverser la voie avec les colis, ce qui les oblige à les transporter jusqu’aux extrémités des quais où la voie reprend sa hauteur normale. Il faut donc à présent, lorsqu’on se présente dans une gare du Chemin de fer de Ceinture avec des bagages, arriver au moins vingt minutes avant le départ du train qu’on veut prendre. Toutefois, cet inconvénient serait facilement évité si la Compagnie mettait dans ses gares un chiffre d’employés suffisant et si ceux-ci consentaient à montrer quelque complaisance vis-à-vis des voyageurs.

Pour être juste, il faut reconnaître que l’exhaussement des quais diminue considérablement les chances d’accident, non seulement en évitant les chutes à la descente, mais encore en rendant la traversée des voies impossible aux voyageurs, ce qu’ils ne se gênaient guère de faire malgré les règlements et les nombreux accidents occasionnés par des imprudences de ce genre. La Compagnie du Chemin de fer de Ceinture a profité de ces travaux pour apporter des modifications dans quelques-unes de ses gares et pour agrandir notamment celle de Charonne.

Le public espérait presque que la Compagnie saisirait l’occasion pour accomplir quelques réformes réclamées par lui.

C’est ainsi qu’à différentes reprises on avait demandé l’aménagement d’abris fermés sur les quais des gares à cheval sur la voie ou sur ceux opposés aux gares, lorsqu’elles sont le long de la ligne.

Ces abris étaient destinés à protéger le public, l’été, contre les ardeurs du soleil, l’hiver, contre la pluie et le froid. Cette question est d’autant plus importante que la traversée des voies étant interdite, lorsque les voyageurs restent dans la salle d’attente et doivent prendre un train sur le quai opposé, ils sont obligés, au moment où celui-ci est signalé, de se livrer à une course effrénée au travers des passages souterrains.

Cette gymnastique n’est malheureusement pas a portée de toutes les jambes, et les personnes peu alertes en sont réduites ou à manquer leur train ou, en l’attendant, à rester à toutes tes injures du temps. Jusqu’ici, la Compagnie ne semble pas être décidée à la construction de ces abris tant réclamés. Les travaux ne sont cependant pas finis, et il faut espérer qu’elle se ravisera avant leur achèvement. »