Conseil de Paris, séance du 15 octobre 1990

Intervention de Monsieur Jean-Louis Vidal, élu Verts au Conseil de Paris, relative au projet de réaménagement de tronçon Auteuil-Boulogne/ Avenue Henri Martin et à l’avenir de la Petite Ceinture

Quelques arbres pour cacher une opération financière et surtout consacrer l’abandon d’un axe stratégique de transports : la Petite Ceinture.

L’essentiel dans ce projet, c’est qu’il consacre une nouvelle amputation de la ligne de Petite Ceinture, déjà détruite entre la gare d’Auteuil et le boulevard Victor. Créer des espaces verts supplémentaires n’est jamais une mauvaise chose, mais le secteur n’en manque pas vraiment. La ligne longe les jardins du Ranelagh, puis ne s’écarte jamais de plus de 200 mètres du Bois de Boulogne. Nous ne nous trouvons pas du tout dans le cas de figure de la « promenade plantée
 » Bastille-Vincennes. Celle-ci traverse des quartiers qui manquent réellement d’espaces verts et cette portion de voie ferrée n’était plus d’une grande utilité après la mise en service du RER A.

La Petite Ceinture, c’est une autre affaire. La Ville devrait s’opposer à sa fermeture. Défendre les espaces verts dans ce secteur, prioritairement, cela passe par défendre le bois de Boulogne, notamment en y réduisant la circulation automobile, donc en développant les transports collectifs.

Ce petit bout de ligne que l’on supprime doit être replacé dans le cadre d’une politique des déplacements qui manque tant à Paris.

Tout d’abord, il faut noter que si le secteur n’est pas l’un des plus encombrés, on dénombre chaque jour 120 000 véhicules qui entre dans Paris entre les portes Dauphine et Saint Cloud. (...) Paris et la banlieue avaient la chance de disposer d’une ligne ferroviaire à double voie qui contournait la capitale.

Malheureusement, cette ligne a été victime, ainsi que le réseau de tramways, de la croyance à une certaine époque, que les transports publics n’avaient pas d’avenir et que l’automobile apporterait la solution aux besoins de déplacements. Elle a donc été fermée.

Cette erreur historique peut être reparée, si l’on ne crée pas de situation irreversible. Une petite partie de la Petite Ceinture est actuellement utilisée pour le RER C. Des projets de réouverture au service voyageurs existent et ont existé sur certains tronçons. Certains étaient fantaisistes, je pense à ARAMIS, d’autres sont inadaptés, le tramway par exemple. Les Verts sont pour le retour du tramway mais là où il sera le plus utile, c’est-à-dire sur les boulevards des Maréchaux pour
assurer le trafic local plus rapidement, plus confortablement et plus économiquement que le bus.

La fonction de la ligne de Petite Ceinture, c’est d’être un nouveau RER. Un RER qui ouvre de nouveaux itinéraires directs de banlieue vers Paris et de banlieue à banlieue ; des liaisons rapides, avec peu de gares mais de bonnes correspondances avec le métro. C’est ainsi que l’on incitera les automobilistes à utiliser les transports en commun. Pour cette raison, il est urgent de disposer en Ile-de-France de rocades ferroviaires modernes. Avant de commencer à songer à en construire de
nouvelles, utilisons celles qui existent, la petite Ceinture et la grande ceinture, qui toutes deux, sur la plus grande partie de leur parcours sont fermés au trafic voyageurs. La Petite Ceinture est laissée à l’abandon, la Grande Ceinture est saturée par le trafic marchandises. Une des solutions consiste à ce que les deux lignes se complètent, s’échangent les trafics selon les charges réciproques.

L’expérience a montré que si l’on veut traiter efficacement les problèmes de liaisons par fer, de banlieue à banlieue, il faut impérativement avoir une logique globale, une logique de réseau. Il est donc absurde de supprimer sur sa partie Ouest la Petite Ceinture. Il faut au contraire la réutiliser d’une manière rentable pour la région et Paris. Certes, des travaux importants seront indispensables, la ligne devra être enterrée là ou elle est surplomb, elle devra être reconstruite là où
elle a été détruite.

Ce projet amène une remarque sur la SNCF. Les emprises de la ligne lui ont été remises pour y faire circuler des trains, par pour exploiter des parkings par filiale interposée ou réaliser des opérations immobilières. Il y a un détournement qui pose problème. Il est en effet un peu facile de s’abriter derrière une future utilisation des terrains à fins ferroviaires pour en conserver la maîtrise. D’ailleurs, il ne faut pas se faire d’illusion, quand les trois parkings auront été construits,
que les habitants se seront appropriés la « promenade plantée », il sera devenu très difficile de reprendre le site pour une exploitation ferroviaire.

La vraie logique de ce projet est franchement spéculative. La « promenade plantée » n’est qu’un habillage. Je ne voterai pas ce projet.